En silence

L’évidence te sautait aux yeux
Que restait-il après les silences?
Tu savais bien que la quiétude parfaite n’existait pas.

Il y aura toujours le froissement des feuilles lignées pour trahir l’exaspération.
Le clapotis du mince filet d’eau qui s’égoutte du robinet de la cuisine,
Le grondement du réfrigérateur,
Le vent qui siffle à travers la fenêtre mal fermée
Les colocataires d’en haut qui te marchent sur la tête,
Le bruit des pages qu’on tourne et celles qu’on devrait tourner,
Les automobilistes impatients qui klaxonnent, 

Ton cellulaire qui vibre

Les aiguilles des horloges en décalage lunaire avec ton inspiration et tes aspirations,
Ta respiration qui soulève ta poitrine malgré tout,
Ton cœur qui bat trop fort,
Les paroles ravalées qu’on écoute se frayer un chemin vers la retenue
Le carrelage qui craque,
Les crayons qui crayonnent,
Les dents qui claquent dans ton appartement trop froid

Les voix dans ta tête

Les voitures qui passent,

Un battement de cil.

Un soupir…

Tes doigts sur les touches de ton clavier d’ordinateur

Un soupir …
Il y aura toujours ce chaos qu’on tente d’ignorer pour meubler les moments qui restent en suspens.

J’écrirai.

J’écrirai jusqu’au bout du monde.

De mes quatre murs aux pyramides égyptiennes, j’écrirai toujours. Je serai toujours captive d’un ailleurs qui défie l’immédiat, le temps, la couleur du ciel, le bleu de ses yeux et la blancheur de ma peau. Dans un monde qui dénoue les certitudes, qui réinvente les vieilles histoires et qui romance le quotidien. J’ai les méninges romanesques, l’impulsivité des paroles qui me traverse jusqu’aux bouts des doigts ; jusqu’au bout de ma plume. Je chasse les artifices ; je traque les personnages, la poésie des paysages, les intrigues, les beaux mots et les belles images. Je réfléchis en alexandrins, en chapitre de roman, en paroles de chansons et en métaphores. J’efface, je recommence, je me rédige des haïkus, je m’invente des souvenirs, j’efface encore, mais surtout, j’écris à perte de vue. Je ne songes qu’aux pages encore blanches qu’il me reste à remplir. J’ai la mythomanie littéraire, l’écriture compulsive. J’imagine tout, j’amplifie tout. Ma tête est une machine à écrire ; les touches des lettres s’enfoncent jusque dans mes sentiments, puisent dans ma douleur, dans mes rêves, dans mes peurs; dans l’essence même de mon existence. Je suis un livre ouvert avec ses pages arrachées et ma fiction qui côtoie les vérités. L’encre coule dans mes veines et s’infiltre jusqu’à mon cœur bleui par le froid. J’en viens à me demander si mon écriture est vitale ; si c’est moi qui la crée ou elle qui m’invente ?

Je pense donc j’écris.
J’écris donc je vis.